2nd trimestre 2023
La mobilité du regard :
Installé dans une forêt, j’aperçois un félin avançant majestueusement, les membres rondement déliés, et j’admire la vague de son échine. Il est tranquille, parait bouger sans entrave, son regard se promène mine de rien.
Alors moi, pourquoi m’arrive t’il parfois d’avoir du mal à avancer et sentir ma cuirasse grincer et bloquer mes jointures ?
D’où viennent nos raideurs et comment savoir si on est raide ?
« Est-ce que si j’arrive à poser mes mains au sol, cela veut dire que je suis souple ? »
C’est essentiel de savoir se regarder sans préjugés et avec du bon sens.
Ce premier pas va vous permettre de comprendre les réactions de vos muscles.
- Allongez-vous sur le sol, vos jambes sont dépliées, rapprochez vos 2 pieds, vos malléoles se touchent. « Que font vos genoux, votre dos ?
- Est-ce difficile ? Et que font votre taille et votre nuque ? »
- Repliez un peu vos genoux, puis reposez les sur le sol, vous pouvez ainsi observer comment le dessin de vos reins s’efface et parfois se creuse.
En effet nos creux (les lordoses) se déplacent de façon très subtile, voyageant le long de notre musculature à grande vitesse.
Ceci est dû aux raccourcissements de nos muscles postérieurs. Et lorsque nous essayons de les faire disparaitre ces creux et bien ils vont se réfugier ailleurs. Et cela se passe essentiellement dans notre dos, à l’abri des regards.
Tout cela se fait de façon très discrète, et même les personnes cataloguées « hyperlaxes » sont en fait des sujets pris dans un étau musculaire qui tracte et déforme leurs articulations.
Afin de brouiller les pistes notre système nerveux va s’arranger pour perturber nos sensations, nous rendre aveugles. Nous allons nous contorsionner pour avancer tant bien que mal, et ces manœuvres de substitution vont devenir difficiles à assumer.
Desserrer les lanières :
Ainsi les raideurs sont des mécanismes mis en place pour limiter la casse, pour nous empêcher d’avoir mal et il faudra constamment essayer de desserrer les lanières.
Mais sachez que ce n’est pas parce que ça tire que ça étire.
Ainsi lorsque l’on demande le pencher vers l’avant, ce n’est pas en posant les doigts sur les orteils que l’on allonge, car cela se fait grâce à de multiples tricheries et notamment le recul des fesses.
Nous demandons au patient d’aller poser les paumes de mains sur le sol loin devant, de façon à ce que les fesses soient en avant des pieds. C’est la seule position qui nous permettra de quantifier la raideur. Les raideurs articulaires sont la conséquence des raideurs musculaires.
Des idées erronées:
On croit constamment que nous devons renforcer, fortifier nos muscles alors qu’ils sont responsables de nos raideurs. La faiblesse n’est pas là où nous la croyons, mais comment ne pas se sentir faibles dans un corps dont nous ne connaissons rien ? Et bien en utilisant nos sensations et en sachant nous regarder avec des yeux neufs.
Un mouvement
- Allongé sur le dos, les jambes sont allongées. Vous allez animer le paysage qui n’est pas figé.
Rentrez votre menton et observez ce que font vos reins, puis poussez vos genoux vers l’arrière et à nouveau votre taille va s’animer…
Plaquez votre taille au sol, votre nuque va se creuser.
Observez combien les creux se déplacent de la nuque jusqu’aux pieds en passant par votre taille et les creux de vos genoux. - Allongé sur le dos muni d’une balle de tennis, observez la fesse la moins étalée sur le sol, vous allez glisser la balle sous cette fesse. Imaginez que l’air vient jusque dans cette balle, et chaque fois que vous soufflez vous écrasez la balle avec votre fesse (sans serrer les fesses). Vous avez besoin d’y mettre du ventre. Faites ce mouvement un certain temps…Puis vous enlevez la balle, attendez avant de rallonger vos 2 jambes. Quels sont vos appuis à droite maintenant ? est-ce que les 2 fesses sont mieux étalées sur le sol ?
- Debout sur les 2 pieds comment sont-ils posés au sol ? et votre bras droit n’aurait-il pas lui aussi profité du mouvement ?
Nos raideurs se trouvent toujours dans nos creux et parfois nos courbures s’accentuent car nous nous plissons, nous nous resserrons nous nous tassons. Diminuer les creux, se déplisser, vont immanquablement redonner de la souplesse à nos muscles et donc diminuer nos raideurs.
Cette mobilité du regard est essentielle pour moi, c’est le début du travail. Nous ne pourrons envisager de correction qu’une fois le paysage balayé et nettoyé par des yeux neufs.
1er trimestre 2023
Histoire de chaussures et de talons
Vous savez tous que les pieds m’intéressent plus que les chaussures mais je ne peux résister à l’envie de vous parler un peu de l’histoire de la chaussure. Il a fallu plus de vingt millions d’années pour que l’homme passe de la position quadrupède à la bipédie. Et les talons qui se sont introduits dans la mode n’aident pas la position debout à être facile et confortable.
En Égypte ancienne les talons principalement portés par les hommes étaient utilisées comme chaussures de travail, les bouchers par exemple en portaient pour ne pas se salir les pieds avec le sang.
Au moyen âge le talon devient un signe distinctif de richesse. Au 16em siècle, les semelles compensées permettaient aux pieds de ne pas se souiller avec la saleté des rues, et ces semelles maintenaient le pied à plat en surélevant en même temps les talons et les avants pieds. Plus tard c’est Catherine de Médicis qui en fera une véritable tendance.
Avec Louis XIV, le talon prend une fonction de séduction mais aussi d’appropriation du pouvoir.
Mais il faut bien savoir que le port d’un talon de 8 cm entraine une inclinaison du corps de 25°. Même avec un talon d’à peine 2 cm, l’inclinaison est de 12°. Il est bien sûr impensable de pouvoir avancer avec une telle inclinaison du corps, nous sommes donc obligés de nous adapter, la colonne vertébrale et les articulations doivent se déformer pour redonner à notre posture sa position verticale.
Vous imaginez aisément la fatigue intense ressentie par nos muscles qui ne cessent de se plier aux exigences des talons et doivent compenser pour éviter la chute du corps. Et bien sûr le talon étant surélevé cela va considérablement raccourcir la chaine musculaire postérieure. Les orteils douloureux en appui sur la partie antérieure au niveau des coussins de la partie plantaire, les mollets enflés et épais tout cela va contribuer à enliser des symptômes dommageables pour notre équilibre postural. Et pourtant j’entends encore de nombreux patients me dire : «mais pourtant on dit qu’il faut porter un petit talon, même mon médecin me le dit…»
Alors comment redonner à nos pieds leur lettre de noblesse ?
Et bien tout d’abord en respectant leur anatomie, et donc comme un pied c’est pointu à l’arrière et large à l’avant ne jamais les enfermer dans des étuis pointus n’en déplaise à la mode !
Un pied ne sert pas qu’à supporter le poids du corps, il nous permet de nous propulser lors de la marche tout en nous permettant de maintenir un équilibre. Il convient donc d’aborder le pied avec un tempérament d’orfèvre et d’horloger. Je vous renvoie vers le lien d’un article plus complet.
Et pour terminer n’oubliez pas que les pieds sont à l’extrémité de la grande chaine musculaire postérieure. Ils sont donc toujours victimes de ce qu’il se passe plus haut. Il ne suffit nullement de les travailler sans les relier au reste du corps. Ainsi pour les corriger durablement et efficacement il faudra redonner à la posture son élégance en la libérant des tensions excessives dues aux raccourcissements des chaines.
Un mouvement
1) Debout les orteils déposés étalés sur le sol, vous regardez devant vous, et vous essayez d’installer une respiration profonde jusque dans vos pieds Observer sans les yeux, à l’aide des capteurs que nous avons sous les plantes des pieds, comment sont posés vos 2 pieds au sol…y a-t-il autant d’appui à l’avant qu’au niveau des talons ? et est-ce que les appuis sont équilibrés sur les 2 cotés…
2) Assis contre un mur, votre jambe droite repliée, la jambe gauche est allongée. Vous vous intéresserez à votre pied droit. Essayez d’écarter votre gros orteil à droite, ensuite vous relâchez, pour mieux recommencer. Seul le muscle qui va permettre d’écarter le gros orteil doit être sollicité. Essayez d’être précis et de ne pas laisser d’autres orteils venir à la rescousse du gros orteil.
Faites ce mouvement plusieurs fois, puis vous laissez le pied se reposer. Ensuite vous allez demander au petit orteil le 5em de s’écarter lui aussi des autres. Vous pourriez faire ça sur le souffle et à l’inspiration vous relâcherez le mouvement. Faites ça plusieurs fois en étant le plus possible exigeant avec le mouvement.
Vous relâcherez ces mouvements et ensuite vous vous remettrez debout et vous noterez si les appuis de vos pieds sont différents. Il est possible que votre pied droit se soit étalé et ait repris un peu de largeur.
Dans quelques temps vous pourrez demander aussi à votre pied gauche d’effectuer ces mouvements qui sollicitent des muscles endormis. Ils sont donc si peu utilisés que leur réveil est très difficile, patience et longueur de temps seront de rigueur…